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Les Bassari se replient

Les BASSARI (extrait du Journal SUD Quotidien, un article de Alassane CISSE)

Mercredi 16 février 2000, il est 12h30. Bah, le chauffeur de taxi prend la direction du quartier situé presqu'en dehors de la ville de Tambacounda. La chaleur accablante sévit. La sueur envahit nos deux visages. Arrivés chez les Bassari, nous sommes accueillis par Mëiti BINDIAN qui nous présente sa mère ETHIRA BINDIAN et sa grand mère INGAMA BINDIAN.  Les yeux pétillent sur le visage émacié. Edentée, Ingama Bindian ne cesse de sourire. A 90 ans, elle est toujours active. Elle prépare quotidiennement son repas. "Edkap" est le met à base de fonio, du mil et du riz qu'elle avait préparé ce jour-là. Elle n'aime pas les "ceebu jen" servi par sa petite fille Mëti BENDIAN âgée d'une trentaine d'années. Très maternelle elle nous a fait manger ce repas succulent. Elle n'hésite pas à faire l'éloge des plats Bassari . "Enap" fait à basse de patte de mil, "Egoudé" avec du "ndajo" de la poudre d'arachide et du riz, "Thaikhchakh" avec du fonio , de la poudre d'arachide , "Dabéro", etc.... Très à cheval que les valeurs traditionnelles, Ingama souligne cependant avec une note de tristesse : "Je constate que les coutumes bassari commence à disparaître avec l'influence des autres au contact avec nos jeunes . Mais heureusement que nous sommes toujours là pour préserver l'essentiel". Elle s'exprime en langue bassari " O' niyane" et sa petite fille Mëiti assure la traduction. Pour mettre en exergue la particularité des BASSARI, Ethira et son cousin Pata Bidiar , évoquent la manière sont les prénoms sont choisis. Le premier fils s'appelle Thiara , le 2è Taana, le 3è Kaali, le 4è Endékha, le 5è Yéra, le 6è Pata, le 7è Maami, le 8è Shaabi, le 9è Mouki. Quand il s'agit du sexe féminin , les Bassari sonnent comme prénom Ethira à la première fille, Ingana à la deuxième. La troisième s'appelle Péna , la 4è Taki, la 5è Niari, le 6è Mëti, la 7è Mathia, la 8è Yanfou, la 9è Kémari.

Les Bassari de la ville de Tamba habitaient en plein centre-ville, mais depuis quelques années, ils se sont retirés pour habiter vers la périphérie. "Les Bassari ne veulent pas déranger leurs voisins. Comme ils organisent souvent leur fête surtout la nuit, ils ne veulent pas indisposer leur entourage", explique Samba Bianquinch, un intellectuel bassari qui s'occupe de la bibliothèque de l'Alliance franco-sénégalaise de Tamba. D'autres estiment que les Bassari sont très repliés sur eux-mêmes. "Quand ils sentent que d'autres ethnies commencent à habiter à côté d'eux, ils changent de lieux d'habitation. On ne les comprend pas, fait remarquer Moussa Cissokho ,un quadragénaire soninké. "Non ce n'est pas une coïncidence", répond à cette question Matty Bendian .Pour A. D. enseignant, ça se comprend car les lieux de vente de vin de palme sont détenus par les Bassari, c'est pourquoi, ils habitent toujours vers la périphérie". Une autre explication est donnée par Salbé Guindo qui estime que les Bassari vivent le "réflexe historique" car traqués, ils se réfugièrent en haut des montagnes ou dans des grottes. A Tambacounda, les Bassari habitent aux quartiers Gourel Diadji, "Abattoir", Médina Koura au quartier Ponang , Quinzendougou, "Diallo Bougou". 

 LES NOMS BASSARI COMMENCENT PAR "B"

L'autre caractéristique de l'ethnie bassari se situe au niveau des noms qui commencent tous par B. "Ce sont des noms qui ont valeur de symbole et dont ceux qui les portent, ont un rôle spécifique à jouer dans la société bassari", révèle le bibliothécaire Samba Bianquinch.  Sept noms de famille composent la société bassari :  Bianquinch, on dit d'eux qu'ils sont maîtres de cérémonie pendant les cérémonies initiatiques. Bonang connus comme de grands féticheurs .Ensuite , les Bindian (avec les Bendian Bangonine ou Bapinye ( palmier), les Bidiar , Boubane, Bangar. De taille moyenne , mais généralement courte, les bassari sont réputés calmes et très respectueux. Ils manifestent toujours une ardeur dans le travail. 

D'ou viennent les Bassari ?

"Quand je dis mon nom Bianquinch , certains compatriotes sénégalais pensent que je suis togolais ou Camerounais alors que je suis aussi sénégalais qu'eux" souligne Samba Bianquinch. Ce dernier constate avec amertume que beaucoup de sénégalais ne connaissent pas leur pays et surtout le Sénégal des profondeurs. "Le nom c'est Beuyankhdj, ce sont les Occidentaux qui l'ont écrit comme çà car ils ne pouvaient pas le prononcer correctement,", explique Samba sont le père Kétline Bianquinch , fait partie des premiers Bassari à fréquenter l'école française.   Pour ce qui est de l'origine des Bassari deux thèses sont avancées, selon Samba Bianquinch, "la première vient de certains vieux bassari qui affirment que les Bassari viendraient de l'ancien empire du Mali. Après la fameuse bataille de Kirima en 1235 quand Soundjiata , le fils de la femme buffle vient prendre son trône légitime, sept fils de roi qui s'étaient alliés au roi magicien Soumangourou Kanté, par crainte de sa cruauté , s'enfuirent et vinrent s'installer dans la zone montagneuse Sud entre la Guinée Conakry et le Sénégal" note Samba Bianquinch. Pour ce dernier , une autre thèse soutenue par des chercheurs parle de l'expansion Bantia ou Bantou qui s'est affectée à partir de l'Afrique occidentale (Golf de Guinée). Des ressemblances morphologiques, des similitudes d'accoutrements et de traditions laissent aussi penser que les Bassari ont comme ancêtres les Khoïsan d'Afrique du Sud (khoï: chasseurs , San : cueilleurs). La Güthrié, Olivier , Cheikh Anta Diop révèlent la parenté et des similitudes entre Bassari et Bantou. Pour eux , les Bassari viendraient des Zoulou qui font partie des Bantou, signale Samba Bianquinch . A ses yeux , l'installation des Bassari dans l'empire mandingue n'était qu'une étape du mouvement de ce peuple nomade qui se déplaçait souvent pour fuir l'ennemi.  Actuellement , on retrouve les Bassari dans la région de Tambacounda et surtout dans le département de Kédougou à Salémata , Ethiolo, Enyassara, Chouti, Egathie, Edine, Ebarak, Nangare, Chamou, Guemon, Epengué, Mbong, Edane, Sibikiling, Oubadji, etc.  Ils sont en Casamance , en Guinée Bissau et plus nombreux en Guinée Conakry.  A Enyassara, Egathie, Ethiolo, Mbong, les habitations des Bassari sont perchées sur les montagnes. Traditionnellement, les Bassari se trouvent dans des collines comme au Fouta Djialon en Guinée où les points culminent à plus de 1000 mètres d'altitude. Les derniers recensements de 1998 ont estimé à environ 5000 les bassari. Le chiffre aurait doublé d'après S. Bianquinch. A l'origine , la société bassari est matrilinéaire. Les enfants portaient le nom de famille de leur mère .L'héritage , la Chefferie traditionnelle , le mariage obéissaient à cette lignée. Mais les mutations sociales , les lois sénégalaises ont fait disparaître cette tradition au profit du patriarcat. Les Bassari sont structurés en classe d'âge. Celles-ci respectent les rituels. "Le passage d'une classe d'âge à une autre dure six ans" affirme Bianquinch.  L'éducation dans la société traditionnelle bassari commence tôt chez l'enfant qu'on envoie à la grande case "An'boffor" située à l'écart du village. C'est dans ce foyer communautaire que l'enfant apprend à vivre dans un groupe. Les aînés vont lui apprendre l'amour du prochain, la solidarité , le travail collectif, les secrets de la chasse au petit gibier (comment tendre un piège , guetter les petits oiseaux, etc.). Notre confrère Alexis Bies de Sud Fm et réputé être un bon journaliste de terrain et généreux dans l'effort. Ces qualités les a-t-il acquises dans la case? Les jeunes filles sont aussi envoyées dans les cases mais ne partagent pas les mêmes compartiments que les garçons. Les enfants ne quitteront les cases que quand ils atteindront l'âge de l'initiation pour les cérémonies initiatiques qui marquent le passage de l'enfant à l'âge adulte appelé "Nitj" ou "O Kôre".  Anismistes , les Bassari croient en leur "Fabba Khanou" et implorent les ancêtres. Néanmoins , avec l'islamisation par les Peulhs (Jihad de Alpha Yaya , Thierno Timbo) et la christianisation par les missionnaires catholiques ou protestants, les croyances religieuses ont changé de camp avec le changement des prénoms, des habitudes. Mais sans compter avec des gardiens d'une tradition dont les racines sont solides. Aujourd'hui , les Bassari sont presque partout au Sénégal et se rencontrent à l'occasion des cérémonies et se marient avec les autres ethnies

Alassane CISSE

Voir la page sur l'architecture traditionnelle au Sénégal.
Voir la page sur les fêtes traditionnelles au Sénégal.
Voir la page sur le Sénégal oriental.


Vos contributions et commentaires sur le contenu de cette page

  • par t 2 votes   

    Trop passionnant l'histoire