Le LAC ROSE se cherche des couleurs
: La couleur du désespoir
Juin 2004 : article de Najib Sagna extrait du quotidien
Walfadjiri
C'est un coin unique au Sénégal, avec une petite merveille
de lac à l'eau rose. Mais ni le Paris - Dakar, qui y termine sa
boucle, ni les touristes qui y déambulent parfois, n'ont encore
aidé à en faire une destination de choix. Les promoteurs
s'en désolent.
A 35 km de Dakar, le Lac rose commence à s'imposer dans les circuits
touristiques. Plus que pour l'exploitation du sel, ce qui attire de plus
en plus, c'est la couleur rose que donne à ses eaux la présence
de micro-organismes et la forte concentration de minéraux. Une
merveille. Selon les saisons et les heures, le lac est rose ou mauve,
le coucher du soleil étant le moment le plus indiqué pour
en admirer la beauté. Petit endroit tranquille il y a encore une
quinzaine d'années, il y règne désormais jour et
nuit une intense activité. Des centaines de personnes se livrant
à l'extraction de sel, à côté des nombreux
campements touristiques. Le lac est envahi par des dizaines de réceptives
dont la plupart ne respectent pas les normes du tourisme. Les professionnels,
sentant le danger qui menace le secteur, veulent réagir. Au cours
des deux journées de réflexions organisées sous l'égide
du syndicat d'initiative les 2 et 7 juin derniers, hôteliers, guides
et jeunes du village voisin de Niague Peul ont cherché à
poser sur la table les solutions qui s'imposent. Pour les hôteliers,
le premier problème est celui de la rareté des clients.
«Actuellement, nous nous accrochons, mais nos hôtels sont
vides, confie Vieux Bâ, de l'Étoile du lac. D'ailleurs le
taux de remplissage n'a jamais atteint 5 ou 10 % pendant la courte période
que dure la saison touristique au Lac rose. Ceux qui viennent séjournent
le temps d'une journée, regagnent Dakar ou Mbour sans aucune retombée
significative».
Ces hôteliers pensent que l'Etat a une part de responsabilité
dans ce problème. Pour eux le Lac rose n'est jamais pris en compte
dans la politique de promotion du tourisme au Sénégal «comme
c'est le cas pour Saint Louis, la Casamance, Mbour, etc. Aujourd'hui nous
n'avons rien qui informe sur le lac. Même pas un dépliant.
Les touristes ignorent à la limite la destination», souligne
un hôtelier. Les Sénégalais, non plus, n'affluent
guère, faute d'une promotion du tourisme local. «Là
aussi il y a problème, souligne un interlocuteur. L'Etat avait
décrété 50 % de baisse sur les tarifs nationaux sans
aviser les principaux acteurs». Tout ce que les professionnels du
côté reconnaissent à l'Etat, c'est l'efficacité
de son service fiscal. «les agents viennent même les dimanches,
alors que nos unités croulent déjà sous les facture
d'eau et d'électricité».
Mais on ne se limite pas à débiter des
accusations. Au Lac rose, l'autocritique est aussi de rigueur. «Il
faut aussi assainir le secteur, confie un hôtelier. Nous avons souvent
des opérateurs de dernière heure qui viennent, gagnent de
l'argent et repartent. L'exemple d'un toubab qui s'est installé
avec ses chameaux, d'ailleurs très hostiles à l'environnement
du lac, est là. Des réceptifs investissent des millions
à côté de quelqu'un d'autre qui n'a mis que des centaines
de milliers francs et qui devient un concurrent sérieux. Les autorités
nous ont toujours promis de démanteler ces campements, mais on
ne fait toujours rien».
Pour les jeunes de Niague Peul, même le rallye
Paris-Dakar qui a rendu célèbre le lac en en faissant son
point d'arrivée, constitue une menace pour l'environnement. «Les
dunes de sables qui doivent êtres fixes ont été déplacées
pour installer des villages nomades. Le rallye n'apporte plus rien au
village et même à la communauté rurale. Ce sont d'autres
personnes venues d'ailleurs qui s'occupent de l'événement
et partent sans rien laisser aux populations. L'État doit prendre
en charge l'événement en donnant une large place aux populations»,
lance le président du foyer des jeunes de Niague, Cheikh Guèye.
Les artisans se plaignent du manque de sécurité,
malgré la présence des gendarmes. Le marché du village
artisanal, non encore reconnu par les autorités, n'est toujours
pas fréquenté. «Les touristes viennent de Dakar, visitent
le site et s'en vont sans jeter un coup d'œil au village artisanal»,
constate un artisan. A côté de ces complaintes, il y a aussi
«celles» du lac qui se rétrécit de plus en plus
et est menacé de disparition. L'exploitation abusive du sel et
l'implantation anarchique des réceptifs à côté
du rallye restent des menaces sérieuses.
Par : Najib SAGNA |