Auteur: ndar.tout
Date: 11-01-16 05:27 >>> RĂ©pondre Ă ce message
in liberation.fr :
"""La presse satirique en Afrique Occidentale Française
VINCENT HIRIBARREN 10 JANVIER 2016
(MISE À JOUR : 10 JANVIER 2016)
Cette caricature de Léopold Sédar Senghor (1906-2001) date de son troisième mandat de député du Sénégal. Il était aussi membre du Grand Conseil de l’AOF, ainsi que son coreligionnaire Mamadou Dia (1910-2009). Quelques années plus tard Léopold Senghor devient le premier Président du Sénégal et Mamadou Dia son Premier ministre. Les relations entre les deux hommes se détériorent rapidement. Mamadou Dia sera accusé de putschisme, traduit devant la Haute Cour de Justice du Sénégal et condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Les Échos d’Afrique noire, du 2 au 8 juillet 1952 (Nr.113)
Questions Ă SĂlvio Marcus de Souza Correa, professeur d’histoire Ă l’UniversitĂ© FĂ©dĂ©rale de Santa Catarina (UFSC) au BrĂ©sil. Sa recherche porte sur l’imaginaire colonial, notamment les reprĂ©sentations iconographiques des Africains et de l’Afrique dans la presse pĂ©riodique illustrĂ©e.
Vous organisez jusqu’au 29 janvier une
exposition sur la presse satirique en Afrique Occidentale Française
à l’Institut d’Études Avancées de Paris. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Depuis quelques années, mes recherches portent sur des thèmes autour du colonialisme en Afrique et dont l’approche est issue d’une histoire visuelle. À travers la production et la réception des images - qu’il s’agisse de photographies, cartes postales et mêmes des premiers films tournés en Afrique - les historiens s’interrogent sur les représentations iconographiques du discours colonial. Mais l’image satirique comme les caricatures dans la presse coloniale reste toutefois un peu à l’écart des thématiques chez les africanistes.
Lors d’un petit séjour à Dakar en juillet 2014, j’ai eu l’occasion de dépouiller nombre de dessins de la presse coloniale de l’Afrique Occidentale Française, notamment dans l’hebdomadaire satirique Les Échos d’Afrique noire. Sans chercher à faire une sélection représentative des dessins de la presse coloniale, l’exposition offre pour la première fois un bilan sur l’image satirique dans le journal Les Échos de l’Afrique noire (1947- 1961).
Comment étaient perçus les Africains et leurs colonisateurs dans cette presse satirique ?
Le journal Les Échos d’Afrique noire comptait avec un petit nombre de dessinateurs métropolitains. Parmi eux, quelques-uns étaient également collaborateurs de l’hebdomadaire Le Canard enchaîné. Plus que le « colonisé », le « colonisateur » était la cible de l’humour mordant des dessinateurs. Le « Petit Blanc » revenait souvent dans les dessins de presse, ainsi que les hommes politiques soit Blancs ou Noirs. Mais le groupe le plus ciblé par les dessinateurs était le Libano-Syrien.
L’hebdomadaire Les Échos d’Afrique noire a mené une campagne diffamatoire contre l’immigration libano-syrienne. Selon son rédacteur en chef, Maurice Voisin, les Levantins représentaient une menace. Ainsi que les dépêches du journal, les caricatures faisaient de l’amalgame. Maurice Voisin donnait le ton à ses collaborateurs dessinateurs. Ces derniers n’hésitaient pas à emprunter des stéréotypes arabo-musulmans au discours colonial.
Cette exposition permet aux visiteurs de réfléchir sur le pouvoir de l’image satirique, pouvoir dont Maurice Voisin se servait si bien au profit de ses intérêts, lui qui incarnait de façon si particulière la bêtise coloniale, autrement dit, cette arrogance souvent agressive, cette croyance en l’avenir d’un colonialisme tardif, malgré des événements comme le départ des troupes françaises du Tonkin, la bataille d’Alger et la naissance de la Fédération du Mali. L’humour parfois ironique sur quelques questions de notre passé récent peut nous interpeller encore lorsque les dessins de la presse coloniale atteignent dans le cadre d’une exposition les spectateurs dits « postcoloniaux ».
Pouvez-vous nous expliquer la signification de ces deux caricatures ?
-Z’êtes vacciné contre la variole, rage, fièvre jaune, varicelle, coqueluche ?... c’est bon… passez.
Les Échos d’Afrique noire, du 2 au 8 juillet 1952 (Nr.113)
La caricature d’un Blanc qui fait mine d’être méchant et dangereux a été publiée dans Les
Échos d’Afrique noire, du 2 au 8 juillet 1952. Il s’agit d’une image satirique tributaire d’une logique assez rĂ©pandue chez les Français depuis des siècles, or les colonies Ă©taient une sorte de lieu d’exil pour certains individus, en l’occurrence ceux en conflit avec la loi. Claude LĂ©vi-Strauss dans Tristes Tropiques a confrontĂ© d’ailleurs la pratique de l’anthropophagie comme une façon d’éliminer ou d’annuler le pouvoir des Ă©lĂ©ments menaçants Ă celle de « l’anthropémie » (du grec Ă©mein, vomir), autrement dit, de la mise Ă l’écart ou de l’exclusion des individus indĂ©sirables. C’est l’exil ou le bagne de ceux qui pourraient saper l’ordre social. Aujourd’hui la dĂ©chĂ©ance de nationalitĂ© est en dĂ©bat dans la presse française. Or son principe s’inscrit dans une logique « anthropĂ©mique » pour employer le nĂ©ologisme de LĂ©vi-Strauss.
Les Échos d’Afrique noire, du 25 juin au 2 juin 1948 (Nr.69)
Les caricatures rattrapent le passé colonial et parfois nous piquent par leur actualité. Ainsi que les caricatures, quelques articles dénonçaient le nombre de Blancs qui donnaient le mauvais exemple comme celle qui avait pour titre « Assez de Blancs bons à rien à la colonie », parue dans le journal du 14 au 20 mai 1950. Si les « Blancs bons à rien
» étaient vus par certains comme un « véritable danger », un autre groupe fut la cible d’une campagne xénophobe du journal
Les Échos d’Afrique noire.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la migration libano-syrienne en A.O.F. fait débat dans la presse coloniale. Le rédacteur en chef des Échos d’Afrique noire menait une campagne sans merci contre les Libano-Syriens et donnait le ton aux dessinateurs collaborateurs de son journal. Une caricature parue dans Les Échos d’Afrique noire, du 25 juin au 2 juin 1948, représentait l’A.O.F comme une vache grasse. Lorsque le dessinateur transforme l’A.O.F. en vache grasse, il emprunte une image très symbolique à la France encore fortement rurale. Pourtant le profiteur n’est pas français. Blancs et Noirs sont mis à l’écart. Le « Levantin » prend leur place. L’article « Quand les Libanais privent de lait nos gosses » paru dans Les Échos d’Afrique noire du 12 au 18 juin 1948 fut probablement une des sources d’inspiration du dessinateur. Il s’agit là d’une campagne diffamatoire contre les Libano-Syriens, car ils étaient vus par l’hebdomadaire satirique comme une menace au colonialisme français.
Encore une fois la caricature s’empare d’une actualité car les réfugiés syriens sont parfois victimes de propos xénophobes dans lesquels ils sont pris comme une menace potentielle. En plus, la fermeture des frontières est toujours un thème polémique dans la presse. La méfiance envers l’autre s’accroit de nos jours. """
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Tout ce qui est excessif est insignifiant.
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